Textes : Marilène Meckler - Photos et réalisation : René-G. Meckler - Tous droits réservés
Poèmes vagabonds : les âges de la vie
Service simple et pro
Adolescent d’hier
Car le goût de la vie enflamme sa paupière,
L’adolescent pressé ferme le tableau noir,
Pour oublier l’enfant qui, d’humeur écolière,
Aimait l’odeur de craie, en dessinant l’espoir.
Dans l’odorant verger des amours enfantines,
Il sème des cailloux sur lesquels brilleront
Ces perles de rosée où dorment les ondines,
Avant que leurs clins d’œil n’émoustillent son front.
Derrière le miroir, hors de leurs destinées,
Les rides hibernaient dans un froid suspendu,
Mais grandissait le cours de ses jeunes années
Quand les cheveux des blés coulaient de l’or fondu.
Cherchant sa renaissance au lit des sèves fraîches,
Un vent de liberté feuilletait le cahier
Secrètement rempli des cœurs percés de flèches
Et de ces fleurs des champs que l’on veut effeuiller.
Spontané bâtisseur de l’Autre citadelle
Bruissant d’illusions et de rêves d’oiseaux,
L’imprudent jouvenceau s’échappe à tire-d’aile,
Pour découvrir, enfin, le monde et ses fuseaux.
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Derrière l'éventail de plumes"
Les petits vieux
Empreintes de moineaux sur le bord enneigé
De la seule fenêtre encor chaude et vivante,
Vos petits pas fondants, toujours, ont partagé
La douceur des chaussons qu’ils trouvent émouvante.
Fileuses d’un silence hérité de vos nuits,
Les heures, désormais, plus lentes que l’horloge,
Sentent la camomille apaisant les ennuis
Que même le grand âge enrhumé ne déloge.
Quand le présent, déjà, ressemble au souvenir,
Les ombres du passé, regrettant leur jeunesse,
Ondulent près de l’âtre où, chauds, peuvent s’unir
Vos doigts, depuis longtemps noués par la promesse.
Hiver aux cheveux blancs, posé sur le chemin,
Le poids des ans murît les campagnes arides,
Semant sur les vieux jours des rires de gamin.
N’est voyage plus beau que celui de vos rides.
En vacances des sens, de cœur trop enflammé
Et d’esprit curieux, le désir s’évapore.
Lors, il vaut mieux mourir, si l’on n’est plus aimé,
Comme au printemps, s’éteint le chant de l’hellébore.
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Derrière l'éventail de plumes"
Souvenirs d’enfant
Enfant, je me berçais sur les pages d’un conte
Car j’étais malheureux d’entendre les adieux
Des feuilles qui mouraient dans les rougeurs de honte,
Sous les pas trop pesants des automnes pluvieux.
Je dessinais des cœurs sortis de leur coquille,
Sur la vitre embuée au souffle de l’hiver
Pour jurer mon amour à toute la famille,
Le bout du nez caché dans un grand pull-over.
À peine réveillé, je posais pied à terre,
Autour de moi, l’odeur du chocolat fumant
Disait au clair matin les bons soins de ma mère
Et ses mots caressants, blonds comme le froment.
Puisant une chanson joyeuse et vagabonde
Aux lèvres de mon père, un dimanche doré,
Je prenais par la main tous les enfants du monde,
Dans un rêve nimbé d’avenir azuré.
Trouvant la clé des champs grâce aux livres d’images,
J’entendais le silence où flottaient les voiliers,
Les déserts me donnaient les trésors des rois-mages,
Les jungles m’invitaient près des bougainvilliers.
La rivière, en été, de mes jeux, la compagne
Semblait une sirène agenouillée au loin
Et si j’avais vécu, gamin, à la campagne,
J’aurais aimé chercher les œufs frais dans le foin.
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Comme un frisson d'organdi"
Jeunesse enfuie
Elle a perdu ses yeux dans l’eau d’une émeraude
Taillée au cours des ans, d’une inlassable main.
J’ai vu s’enfuir son pas vers une saison chaude,
Sans jamais revenir au bord de mon chemin.
Le baiser de l’automne avait fermé sa bouche
Avant que son départ ne me laisse flâneur
En lisière du rêve où chancelait sa couche.
Las, je ne suivrai pas son talon voyageur.
Le silence traquait les heures favorites
De son histoire écrite aux rides de mon front.
Tentatrice des mers et forêts interdites,
Elle oubliait sa proie en un caprice prompt.
Lorsque l’oiseau distrait par un bonheur facile
Déchirait de son aile un cercle du soleil,
Ma course à la chimère atteignait la presqu’île
Où le temps prend son vol même dans le sommeil.
Ma chaloupe a quitté le flux des grands vertiges ;
Dévorer l’absolu s’absente de mes jeux.
L’ivresse de la vie, après de vains prodiges,
Vogue paisiblement sur mes flots nuageux.
Marilène Meckler
Tiré de mon recueil "Derrière l'éventail de plumes"